De la guerre du feu aux allumettes

La maîtrise du feu a été le vecteur principal de l’émergence de l’homo sapiens sur cette terre. Grâce à cette maîtrise difficile, d’une grotte ou d’un continent à l’autre, l’homme a pu accéder, de milliers d’années en milliers d’années, à la croissance, la sécurité, la santé et surtout à la culture ; sans lumière pas de Lascaux.
Le briquet à amadou a été un progrès important dans cette maîtrise du feu la rendant plus facilement transportable qu’avec des foyers portatifs de braises. Mais c’est l’invention de l’allumette et sa fabrication industrielle qui allait tout changer à l’échelle planétaire. Cette invention récente date de la fin du XIXe siècle et l’industrialisation de la fabrication de
l’allumette se fera en plusieurs étapes :

L’invention
L’allumette moderne a été inventée en 1805 par Jean-Joseph-Louis Chancel à Paris. Le mélange inflammable contenait du chlorate de potassium, du soufre, du sucre et du caoutchouc. Il s’enflammait lorsqu’il était plongé dans un petit flacon d’amiante rempli d’acide sulfurique concentré. Cette sorte d’allumette, onéreuse et dangereuse, ne rencontra pas un grand succès

La première allumette inflammable par friction est l’invention du chimiste anglais John Walker en 1826. Il reprit des travaux infructueux menés par Robert Boyle, en 1680, sur l’utilisation du phosphore et du soufre. Plusieurs inventeurs se succèdent pour modifier la composition chimique et éviter les risques d’explosion et de maladies provoqués, notamment, par le phosphore blanc très nocif.

Le stade artisanal
Un procédé suédois « l’allumette de sûreté » permet à de très nombreux artisans ou petits industriels de se lancer dans la production d’allumettes avec de nombreux accidents. A Trélazé on a gardé la mémoire d’un mineur du hameau des « Favereaux » qui arrondissait ses fins de mois en produisant des allumettes. Mais ce sont surtout les frères Lebatteux qui s’installant dans des murs de bâtiments des ardoisières au lieu-dit de l’Union, à la Maraichère, se lancent dans la première exploitation de caractère industriel.

Le monopole national
En France, la taxe sur les allumettes mise en place par une loi de 1871, qui devait améliorer les finances publiques nationales éprouvées par la guerre franco-prussienne de 1870, s’étant avérée d’un rendement trop faible, la fabrication et l’importation des allumettes ont été déclarées monopole de l’État par la loi du 2 août 1872. D’un tissu artisanal, le secteur est donc rapidement passé à une organisation industrielle unitaire, le monopole étant affermé à la Société Générale des Allumettes Chimiques. En 1935, il est pris en charge par le Service d’exploitation industrielle des tabacs et des allumettes, qui devient en 1980 une société anonyme, la SEITA, privatisée en 1995, aujourd’hui fusionnée dans ALTADIS.



La fabrication des allumettes en France a pendant plus d’un siècle été réalisée dans une petite dizaine de manufactures. La dernière usine française de Saintines dans l’Oise a fermé en 1993, elle fabriquait environ 15 milliards d’allumettes sur les 22 milliards consommées en France et utilisait alors 8400 m3 de bois de peuplier. Depuis la consommation chute de 2 à 4% par an, concurrencée par les allume-gaz et les briquets. Aujourd’hui la fabrication des allumettes vendues en France se fait principalement en Espagne. Le diaporama ci-dessous reprend les grandes étapes de l’histoire de la Manu et de la fabrication des allumettes. On ira avec profit sur le site numérique de la ville pour avoir les témoignages des anciens ouvriers.

Le Site du Musée numérique

LA FABRICATION DES ALLUMETTES


La fabrication des allumettes, longtemps effectuée manuellement, s’est progressivement automatisée. Elle comprenait plusieurs séries d’opérations :


La fabrication des tiges
Les troncs de peupliers sont acheminés sur le chantier à bois. Les billots écorcés sont déroulés en minces feuilles de l’épaisseur d’une tige. Ces feuilles passent alors dans un hachoir qui taille les tiges à la largeur et à la longueur souhaitées. Pendant une trentaine de minutes, les tiges sont ensuite placées dans des séchoirs, avant d’être orientées vers un « blutoir » qui lisse les tiges rugueuses.

La préparation de la pate
La pâte constitue le bouton, tête inflammable de l’allumette. Il s’agit d’un mélange composé principalement de chlorate de potasse, combustible le plus actif, de colle gélatine, de verre en poudre et de souffre.

La confection de l’allumette
Les opérations de pose et de séchage du bouton sur les tiges sont réalisées par «une machine continue à chimiquer». Les tiges sont plantées debout sur un tapis métallique. Leur extrémité est d’abord trempée dans de la paraffine liquide pour assurer la transmission de la flamme au bois, puis après refroidissement, plongée quelques secondes dans la pâte. Après séchage, le bouton a durci et l’allumette est terminée.

La fabrication des boîtes
Jusque dans les années 1970, les boîtes d’allumettes étaient en bois de peuplier, formées d’un «tiroir», le conteneur et d’une «coulisse», extérieur de la boîte supportant le frottoir. Après leur pliage et leur étiquetage, les boîtes sont remplies d’allumettes lors de l’emboîtage. Les boites d’allumettes sont agrémentées d’images plus ou moins élaborées qui en font parfois des pièces de collection.

Confection et pose du frottoir
Fabriquée en laboratoire, la pâte pour frottoir ou «gratin» est un soigneux mélange de phosphore rouge, de charbon, de verre en poudre et de colle. Elle est apposée sur un ou deux côtés de la boîte par une gratineuse pour constituer le frottoir. Passées ensuite dans un tunnel sécheur, les boîtes sont prêtes à l’expédition. Les diaporamas suivants reprennent avec photos ses différentes étapes diaporama allumettes

Les collections de boîtes d’allumettes
Les anciens salariés ont parfois conservé des boîtes d’allumettes produites au fil des ans par la Manu.

Certaines boites sont exceptionnelles comme celles de grand format, dorées à l’or fin, produites sous Giscard d’Estaing pour être offertes aux hôtes de marque de la France. La collection de Guy Thareau mérite d’être regardée telle qu’elle est régulièrement présentée aux journées du patrimoine.